01/12/2010

Colza et biodiesel en Suisse

Le sonderfall suisse menace le biodiesel
Pierre-André Cordonier
Eco Energie Etoy conclut son exercice avec un bénéfice. La coopérative agricole qui fabrique du biodiesel et commercialise le colza de ses membres doit s'adapter aux fluctuations des prix de revient et de vente et s'adapter aux normes suisses de l'écobilan, normes qu'elle juge irréalisables.
La coopérative Eco Energie Etoy (EEE) a bien tenu ses objectifs malgré les remous de la conjoncture. L'entreprise a réalisé un bénéfice net de 48 527 francs durant l'exercice 2009-2010, contre 60 000 francs prévus au budget, pour un chiffre d'affaires total de 6 millions de francs (8 millions en 2008-2009), dont 2,4 millions de vente d'agrocarburant, 2,7 millions de colza suisse et 847 640 francs de tourteau. Après la perte subie lors de l'exercice précédent, voilà qui fait du bien.
Huile de colza
La demande soutenue en huile de colza a permis aux producteurs membres d'écouler entièrement aux huileries les 3150 tonnes de colza EEE payées 85 centimes le kilo au producteur pour la récolte 2009.
Par conséquent, l'usine a tourné aux deux tiers de sa capacité avec plus de 4300 tonnes de matière première entièrement importées (France essentiellement) correspondant à 2,2 millions de francs. Pour détails: le coût de la graine UE était à 75 centimes par litre de biodiesel et les autres frais à 36 ct, chiffres desquels il faut déduire la vente de tourteau issu du pressage. Le prix de vente du biodiesel a oscillé quant à lui de 1,45 fr./l environ à 1,25 fr./l. actuellement, a expliqué le gérant sortant Eric Herger.
Les prévisions restent difficiles. Durant cet exercice, le prix des graines de colza sur le marché européen était plutôt bas, mais depuis six mois, il monte régulièrement. conséquence d'une forte demande? «On ne sait pas vraiment. Le prix d'achat n'est pas toujours lié à la demande. Il y a une part d'irrationnel, probablement dû aux marchés financiers», suppute Roland Martin, le nouveau gérant. Fait nouveau, le prix de revient du biodiesel est monté dernièrement plus vite que celui du pétrole. Problème: ce surcoût ne peut être répercuté sur le prix de vente car celui-ci suit le prix du pétrole, concurrence oblige.
Les installations ne s'arrêtent pas pour autant. Eric Herger, gérant sortant, a indiqué lors de l'assemblée générale d'EEE le 17 novembre à Denens, qu'on en sera environ à 1500 voire 1600 tonnes de colza agrocarburant pressées à la fin 2010.
Biodiesel: Ecobilan agricole négatif
Mais là n'est peut-être pas le plus gros souci de la coopérative. Les normes de l'écobilan exigé désormais pour l'exemption de la taxe sur les carburants mettent autrement à l'épreuve les nerfs du gérant et du comité. Si le bilan CO2 est positif, celui de l'impact environnemental de la production agricole est plombé. «Autant dire que les exigences de l'Office fédéral de l'environnement (OFEV) sont totalement irréalisables. Les opposants au biodiesel peuvent se consoler du refus par le peuple du moratoire sur les agrocarburants en 2008. Si nous ne pouvons bénéficier de l'exemption de la taxe, cela portera le biodiesel à 1,80 fr./l. A ce prix-là, il n'y a plus d'acheteur», explique Eric Herger. Plus absurde encore, selon le gérant, le colza bio s'en sort moins bien en raison du report de la charge environnement sur des rendements plus faibles.
Son successeur, Roland Martin, aura du pain sur la planche pour convaincre les fonctionnaires de l'OFEV d'assouplir leur règle avant le 1er janvier 2012, date à laquelle l'écobilan devra être bouclé et accepté. Comme l'a rappelé Eric Herger, «l'histoire d'EEE est jalonnée depuis ses débuts d'attaques sur le bilan écologique du biodiesel».
Diversifier la matière première
La société peut malgré tout affronter ces difficultés avec un zeste de sérénité. Les actifs réalisables à court terme permettraient de rembourser les parts des membres si la coopérative devait être dissoute. EEE compte bien toutefois rester sur le marché afin de maintenir son savoir-faire et jouer son rôle de tampon en cas de surproduction de colza, comme l'a indiqué son président Bertrand Meldem.
Les amortissements ont été effectués et les installations n'exigeront quasiment pas d'investissement lors de l'exercice suivant, sauf nouvelles décisions. La coopérative poursuit toutefois ses projets de diversification de matières premières. L'estérification d'huile usagée à raison de 10% fonctionne depuis le début de cet été. «Nous voudrions augmenter cette part, ce qui implique d'optimiser le processus technique», explique Roland Martin. D'autres options sont à l'étude comme l'utilisation de graisse animale.
Un jeune agriculteur présent a demandé au comité de prospecter les systèmes de cultures associées et d'intercultures qui offriraient un écobilan agricole meilleur. Une «bonne idée» que le comité explorera peut-être.
Agrihebdo

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