10/03/2013

La certification durable de l’EPFL est un leurre

L'Agefi, vendredi, 08.03.2013

Pain pour le Prochain réagit à l’article «RSB: le schéma de certification de l’EPFL mesure la durabilité des carburants alternatifs» (L’Agefi du 4 mars).

Yvan Maillard Ardenti*
Le 28 février 2013, Addax Bioenergy a annoncé avoir reçu la certification RSB (Roundtable for Sustainable Biofuels) de l’EPFL pour des agrocarburants soi-disant «durables». Addax a son siège à Genève et loue 10.000 hectares de terres au Sierra Leone pour produire de la canne à sucre transformée en éthanol. Cet éthanol ne peut en aucun cas être considéré comme «durable» car la certification RSB présente de nombreuses lacunes.
La principale faiblesse de RSB réside dans le fait qu’elle prend uniquement en considération les gaz à effet de serre pour évaluer si un biocarburant est moins nocif que le pétrole. Les autres éléments, indispensables pour cette mesure, tel que l’utilisation de l’eau, les déchets, la pollution de l’air et des sols ne sont pas pris en compte pour la comparaison. Si ces éléments avaient été pris en compte comme il se doit, RSB devrait constater que l’éthanol est au minimum 30% plus nocif que le pétrole, ce qui explique pourquoi il ne serait pas exempté de la taxe minérale sur le pétrole appliquée par la Suisse, dont les critères sont plus stricts que ceux de la RSB.
Le projet d’Addax est complexe et comprend un important impact social, notamment sur la sécurité alimentaire. Mais aucun expert des questions sociales ne faisait partie de l’équipe d’audit de la RSB qui n’a enquêté que durant six jours. Des éléments capitaux sur la sécurité alimentaire ont ainsi échappé aux auditeurs: les ONG locales mettent en garde depuis plusieurs années sur les disfonctionnements du programme d’Addax visant à atténuer l’impact sur la sécurité alimentaire des populations locales: les récoltes furent faibles dans une des trois chefferies, ceci à cause de la préparation tardive des terrains, des sols peu fertiles et/ou de semences inadéquates. La production n’a pas permis de garantir la sécurité alimentaire de cette chefferie. Ceci est en totale contradiction avec les critères d’évaluation «de l’impact potentiel sur la sécurité alimentaire» du RSB.
Plus alarmant, le fait que la RSB n’analyse pas l’impact cumulatif des grands projets agro-industriels pour l’exportation au Sierra Leone, pays qui n’a pas d’auto-suffisance alimentaire et où le taux de malnutrition est supérieur à 30%. En effet, on compte de nombreux projets agro-industriels en cours au Sierra Leone occupant plus de 20% de la surface arable du pays. Mais la RSB ne fait état d’aucune évaluation de l’impact cumulatif du projet d’Addax et des autres projets similaires sur la sécurité alimentaire, la disponibilité en eau et les forêts.
Lorsque l’on sait que la RSB compte parmi ses membres de nombreuses entreprises multinationales comme Shell, Boeing ou Airbus et un nombre restreint d’ONG, qui ont une portée surtout locale, on comprend que cette institution est guidée par les intérêts économiques. En délivrant des certificats qui dupent le public, la RSB contribue à compromettre la sécurité alimentaire des communautés affectées en Afrique. De plus, ces agrocarburants entrent en concurrence avec la production de denrées alimentaires dont ils font augmenter les prix, tant au niveau local et qu’international. Avec pour conséquence des millions de personnes qui souffrent de la faim.
* Pain pour le Prochain.

Texte original

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire